I) introduction
Le Premier Ministre (PM) de la République du Sénégal vient de présenter sa Déclaration de Politique Générale (DPG), en évitant soigneusement de faire le point de la situation réelle de l’Economie et des Finances publiques, ne serait que sur le premier semestre de l’année.
Cela serait compréhensible si la Direction de la Planification et des Etudes Economiques (DPEE) et l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) n’avaient pas déjà fait le point au premier trimestre et au deuxième trimestre de l’année 2012.
Mais, notre PM s’est contenté, dans sa DPG, de rappeler le lourd héritage du régime de Wade qui est illustré par un taux de croissance de 2,6% en Décembre 2011 contre un objectif de 4%, un déficit budgétaire de 6,7% du PIB, représentant 33,1% des recettes fiscales et non fiscales, un endettement de 40% du PIB qui a occasionné un service de la dette de 493 milliards à payer en Décembre 2012, dont 412 milliards au titre de la dette intérieure qui se chiffre à 653 milliards.
Le Sénégal en 2011 venait ainsi de rentrer dans le cercle vicieux des pays qui « empruntent pour payer des dettes », ce qui le met sous les affres des contraintes d’un lourd « ajustement structurel » dès 2012.
Malgré ces contraintes d’ajustement de la Dépense publique qui sont prises en charge dans le Budget 2012 adopté en Décembre 2011, les dépenses folles de Wade, durant le premier trimestre de 2012, qui a coïncidé avec la période électorale de l’élection présidentielle en Février-Mars, ont engendré des tendances lourdes, qui, non corrigées, allaient aggraver le déficit budgétaire en le portant de 6,7% en décembre 2011, à plus de 8% en Décembre 20112.
Heureusement que le FMI a tenu compte de ces circonstances indépendantes de la volonté du nouveau régime, pour accepter un déficit budgétaire de 6,4% en Décembre 2012, avec l’engagement de l’Etat de le porter à moins de 5% en 2013, et à moins de 4% en 2014, soit une réduction de 50% du déficit en trois ans !
Un tel effort d’ajustement budgétaire est- il supportable par l’Economie nationale et acceptable par les populations ?
Dans le même temps, le nouveau gouvernement du PM Abdoul MBaye reconduit , en accord avec le FMI, sur des objectifs de croissance retenus dans le Document de Politique Economique du Sénégal (DPES) adopté sous Wade, de 3,9% en 2012, de 4,8% en 2013, et de 5% en 2013-2017 .
Le FMI a obtenu ces engagements du nouveau pouvoir, sans que les partenaires de la coalition gouvernementale ne soient sollicités pour avis, à plus forte raison les forces vives de la Nation, sans l’adhésion desquelles, pareil effort d’ajustement, en si court lapse de temps, est un défi incertain à relever.
Cette démarche du nouveau régime reproduit l’ « approche technocratique » du PS dans les négociations avec les Institutions de Bretton Woods, qui l’a fait perdre le pouvoir, et que le régime de Wade a reconduit, avec les conséquences politiques et sociales que l’on sait.
Le défaut de faire sanctionner, au préalable, tout programme avec les Institutions de Bretton Woods, par les forces politiques au pouvoir et par les organisations des travailleurs et des entrepreneurs nationaux, a été le tendon d’Achille de l’ « ajustement structurel » dans nos pays en développement. Ces institutions préfèrent avoir affaire à des « technocrates » qui ont plutôt des soucis de carrière à préserver auprès d’elles, que des préoccupations de prise en compte réel des contraintes politiques, sociales et culturelles que tout programme de changement rencontre.
Pour ces institutions, la concertation doit intervenir pour l’internationalisation des programmes qu’elles recommandent, et non, dans leur phase d’élaboration. C’est pour cela qu’elles parlent de la nécessité d’un « leadership fort » fort en mesure de faire accepter ces programmes.
C’est tout le contraire des démarches préconisées par les Assises nationales, qui recommandent des concertations préalables avant toute soumission de programmes ou de politiques au près des Institutions de Bretton Woods.
C’est cette rupture dans la démarche qui est attendue du nouveau régime pour pouvoir bénéficier d’une large adhésion des forces vives de la Nation.
Les Assises nationales ont opté pour des « leaders » qui se soucient de prendre en considération les contraintes politiques, sociales et culturelles dans l’élaboration des politiques et programmes qui conditionnent la vie et le devenir de ses populations, mêmes s’ils sont considérés, par les Institutions de Bretton Woods, comme des « leaderships mous », sinon « faibles » qui sont des facteurs bloquants dont il faut se débarrasser.
La DPG que le PM vient de présenter à la Nation, devait aller au-delà de ce diagnostic et de ces engagements, pour faire le point sur les six premiers mois de l’année 2012, qu’il partage à part égale avec le défunt régime, à savoir, le premier trimestre est passé sous Wade, et le deuxième sous le nouveau régime de Macky Sall.
II) Qu’elle est donc l’état réel de l’économie et des finances publiques au bout de ces six mois ?
Récemment, dans la Presse, les commentaires du rapport de l’ANSD sur le PIB au second trimestre de 2012, ont fait croire, à tords, aux Sénégalais, qu’avec un taux de de 3,1% par rapport au second semestre de 2011, le pays avait renoué avec la croissance. Alors qu’en fait, par rapport au premier trimestre de 2012, le taux de croissance est négatif, et porte sur -0,2% ! C’est donc un signe évident de décroissance entre les deux trimestres de l’année. Le premier trimestre de 2012 a connu un taux de croissance de 4% par rapport au premier trimestre de 2011.
En outre, sur les six premiers mois de l’année 2012, le taux de croissance du PIB est de 2,5%, alors qu’il était de 3,1 % à la même époque en 2011.
Incontestablement notre économie se porte moins bien qu’en 2011 à la même période.
Et cela se vérifie au plan de l’emploi dans le secteur moderne de l’Economie
En effet, avec un taux de croissance de 0,5% par rapport à juillet 2011, le secteur moderne a enregistré une perte de 0,3% d’emplois, malgré les performances du secteur tertiaire qui a augmenté son emploi de 1,6% dans la période. Cette situation est due aux contre - performances dans le secteur secondaire qui a enregistré 2% de perte d’emplois, du fait du sous- secteur industriel, qui en a perdu 3,5% ! Cette contre-performance du sous- secteur industriel est d’autant plus inquiétante, qu’il pèse lourdement dans l’indice de pondération de la main d’œuvre dans le secteur moderne.
En effet, dans cet indice de pondération, le secteur secondaire pèse 488,4 contre 511,6 pour le tertiaire. Mais dans ces 488,4 du secondaire, le sous-secteur industriel s’octroie 417,5 contre 70,9 dans le sous-secteur des BTP.
Donc, si l’emploi va mal dans le secteur industriel, cela se ressent fortement dans le secondaire, et partant dans le secteur moderne.
La croissance du sous-secteur industriel au Sénégal se fait donc au dépend de l’emploi. Il n’est pas, par conséquent, possible de maîtriser le problème de l’emploi, sans renverser cette tendance lourde de notre industrie, à détruire et à précariser l’emploi, pour accroitre la valeur ajoutée de ce sous- secteur.
L’ajustement du secteur industriel par la réduction des effectifs et la précarisation de l’emploi, qui est au cœur de la crise du système capitaliste mondial à l’époque de sa financiarisation, revêt chez nous un aspect particulier. Ce ne sont pas ici les impacts négatifs de la spéculation financière sur la productivité du secteur industriel qui sont à l’oeuvre, mais ce sont les impacts des coûts de facteurs techniques et la fiscalité sur les salaires qui interviennent.
En effet, les prélèvements exorbitants sur les produits pétroliers impactent négativement les coûts des facteurs techniques de production et de transport qui rentrent dans la compétitivité d’un produit, tandis que la fiscalité sur les salaires augmente le coût de la main d’œuvre supporté par l’employeur qui l’inclut sur le coût du produit.
Tant que l’industrie locale était super protégée par de fortes barrières tarifaires et de situations de rente, les surcoûts des facteurs techniques de production et de la main d’œuvre étaient acceptables pour le patronat industriel, puisque, faute de concurrence, c’est le consommateur final qui paye.
Mais, dans le cadre des « ajustements structurels » et de la libéralisation, le patronat du secteur industriel, avec l’appui des Institutions de Bretton Woods sous forme de conditionnalités, a choisi la variable, coût du travail, comme moyen d’ajustement, et non la suppression des surcoûts sur les facteurs techniques de production, encore moins, celle de la fiscalité sur les salaires qui augmente indument le coût du travail, et réduit artificiellement sa productivité.
En effet, la productivité du travail est calculée à travers le rapport entre le produit du travail et le coût de la main d’œuvre. Dans tous les pays développés et émergents, le coût de la main d’œuvre est constitué par le salaire et les charges sociales. Il y a même des pays émergents où il n’y a pas de charges sociales du fait de l’absence d’une tradition de luttes syndicales.
Au Sénégal, en plus des salaires et des charges sociales obtenues de haute lutte par les syndicats, l’Etat y a ajouté une taxe sur chaque emploi créé dans le secteur moderne, dénommé « Contribution Forfaitaire à la Charge de l’Employeur » (CFCE).
De sorte que la productivité du travail est artificiellement réduite chez nous, comparativement aux pays émergents de référence du « Doing business » de la Banque mondiale, pour avoir ajouté la CFCE au dénominateur pour la calculer.
La Banque mondiale et le FMI le savent, mais préfèrent fermer les yeux pour pouvoir continuer à indexer la « faiblesse de la productivité du travail » au Sénégal, comme fondement à leurs recommandations de réduction du coût du travail par plus de précarité et de flexibilité.
C’est cette option qui fonde le développement de notre sous-secteur industriel, sur la destruction et la précarisation du travail.
Le PM aurait dû informer les Sénégalais de cet état réel de notre Economie, et ses conséquences sur l’emploi, tout en annonçant de larges concertations pour sortir de cette tendance lourde de décélération du taux de croissance, et d’aggravation de perte d’emplois dans le sous-secteur industriel.
Pour ce qui est des Finances publiques, les sept premiers mois de 2012 ont enregistré une aggravation du déficit budgétaire par rapport à la même période en 2011. Le déficit budgétaire est passé de 100,2 milliards en juillet 2011 à 156,9 milliards en juillet 2012 !
Et cela, malgré les efforts fournis dans la réduction du train de vie de l’Etat dans le courant du deuxième trimestre de 2012, avec la limitation du nombre de ministres à 25, et la rationalisation des Services et Administrations de l’Etat. Ces efforts peuvent être mesurés à travers la masse salariale, dont le taux sur les recettes fiscales est passé de 35,2% au premier trimestre 2012, à 33,3% au second trimestre.
Cependant, même à ce niveau, l’on est encore loin de l’objectif retenu, avec le FMI, de 32,8% de taux de masse salariale en Décembre 2012.
Une réduction encore plus importante du train de vie de l’Etat et du taux de la masse salariale constitue donc des défis que le PM aurait dû faire connaître aux Sénégalais, tout en annonçant de larges concertations avec les acteurs économiques et sociaux concernés, pour trouver les consensus nécessaires à cet effet d’ici Décembre 2012.
Toute la problématique est donc de savoir actuellement, dans quelle mesure la Loi des Finances Rectificatives que le Gouvernement va déposer à l’Assemblée nationale prend- elle suffisamment en compte cet état réel de notre Economie, de l’Emploi et des Finances publiques, pour y apporter des solutions idoines d’ici Décembre 2012.
Il est vrai que les questions électorales et le problème de la suppression du SENAT ont pris trop de temps à notre coalition, mais cela devrait changer avec les dernières mesures prises par le Chef de l’Etat, notamment en informant de sa volonté de créer une Commission chargée, « à partir des Assises nationales » de « proposer les réformes institutionnelles à entreprendre par le régime », en nommant à sa tête le Président des Assises nationales.
Les Assises nationales ont déjà un projet de Constitution qui devrait rendre la tâche de la Commission moins exigeante en ressources humaines de la part de notre coalition.
Il est donc possible de libérer les énergies pour prendre à bras le corps les défis que nous pose, dans le court terme, l’état réel de notre Economie, de l’Emploi, et des Finances publiques.
Tout le débat, savamment entretenu, sur la « trahison des Conclusions des Assises nationales » est donc maintenant révolu, et devrait céder la place à plus de sérénité et à plus d’engagement autour du nouveau régime pour assurer les ruptures attendues par les populations.
II) Conclusion
Le PM a soutenu que dans le court terme, il faille « réduire le train de vie de l’Etat, rationnaliser la carte diplomatique, et les Dépenses dans les secteurs de l’Education, de la Santé et de l’Agriculture », et rationnaliser les subventions destinées à l’électricité tout en épargnant les couches vulnérables.
La direction des « ajustements » est donc indiquée, faisons donc en sorte qu’ils ne sacrifient ni la croissance, ni l’emploi, ni l’Education, la Santé et l’Agriculture, comme cela fut le cas avec les « ajustements des années 90 », qui n’ont pas permis une croissance forte, mais ont aggravé le chômage, la précarisation du travail, la pauvreté et la Dépendance de notre Etat.
Pour cela, il ne faut pas perdre de vue, que les politiques d’ajustement actuellement en vigueur, en Europe comme chez nous, visent comme cible, les couches moyennes, pour leur supporter l’essentiel des coûts de résolution des déficits budgétaires géants, et des lourds endettements de nos Etats.
Après avoir fait basculer les couches vulnérables dans la pauvreté durant les « politiques d’ajustement des années 90 », ce sont, aujourd’hui, les couches moyennes qui sont vouées à la paupérisation. C’est ce qui explique que les institutions de Bretton Woods tiennent, aujourd’hui, un discours « pro-pauvre », contre un discours « anti –couche moyenne », qu’elles présentent, à tords, comme des privilégiés, au dépend des pauvres, dans le seul souci d’alléger au maximum le poids que les « riches » devraient supporter dans les solutions de la crise de la dette et des déficits publics.
Au Sénégal, tomber dans ce jeu reviendrait à jeter une bonne partie des couches moyennes dans la pauvreté, en élargissant ainsi ce fléau dans notre société.
Le nouveau régime, en traquant les biens mal acquis, en baissant la fiscalité sur les salaires, et en portant l’impôt sur les Société(IS) de 25% à 30%, va dans le sens de protéger les couches moyennes tout en faisant payer les « riches ». Mais, cela devrait être conforté par une réforme du système de rémunération des Agents de l’Etat, pour y enlever les distorsions criardes que Wade y a introduites en octroyant des salaires et autres avantages exorbitants à une catégorie restreinte de personnels de l’Etat, sans commune mesure avec mesure avec leur « utilité marginale », en faisant d’eux des privilégiés. Cependant, les contraintes que les Accords avec le FMI font peser sur l’Etat, pour réduire la dette de moitié d’ici trois ans risquent, si l’on ne se mobilise pas autour du nouveau régime, d’inverser cette tendance positive qui est née des premières mesures du gouvernement.
Fait à Dakar le 17 Sept 2012
Ibrahima Sène / BBY
Le Premier Ministre (PM) de la République du Sénégal vient de présenter sa Déclaration de Politique Générale (DPG), en évitant soigneusement de faire le point de la situation réelle de l’Economie et des Finances publiques, ne serait que sur le premier semestre de l’année.
Cela serait compréhensible si la Direction de la Planification et des Etudes Economiques (DPEE) et l’Agence Nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) n’avaient pas déjà fait le point au premier trimestre et au deuxième trimestre de l’année 2012.
Mais, notre PM s’est contenté, dans sa DPG, de rappeler le lourd héritage du régime de Wade qui est illustré par un taux de croissance de 2,6% en Décembre 2011 contre un objectif de 4%, un déficit budgétaire de 6,7% du PIB, représentant 33,1% des recettes fiscales et non fiscales, un endettement de 40% du PIB qui a occasionné un service de la dette de 493 milliards à payer en Décembre 2012, dont 412 milliards au titre de la dette intérieure qui se chiffre à 653 milliards.
Le Sénégal en 2011 venait ainsi de rentrer dans le cercle vicieux des pays qui « empruntent pour payer des dettes », ce qui le met sous les affres des contraintes d’un lourd « ajustement structurel » dès 2012.
Malgré ces contraintes d’ajustement de la Dépense publique qui sont prises en charge dans le Budget 2012 adopté en Décembre 2011, les dépenses folles de Wade, durant le premier trimestre de 2012, qui a coïncidé avec la période électorale de l’élection présidentielle en Février-Mars, ont engendré des tendances lourdes, qui, non corrigées, allaient aggraver le déficit budgétaire en le portant de 6,7% en décembre 2011, à plus de 8% en Décembre 20112.
Heureusement que le FMI a tenu compte de ces circonstances indépendantes de la volonté du nouveau régime, pour accepter un déficit budgétaire de 6,4% en Décembre 2012, avec l’engagement de l’Etat de le porter à moins de 5% en 2013, et à moins de 4% en 2014, soit une réduction de 50% du déficit en trois ans !
Un tel effort d’ajustement budgétaire est- il supportable par l’Economie nationale et acceptable par les populations ?
Dans le même temps, le nouveau gouvernement du PM Abdoul MBaye reconduit , en accord avec le FMI, sur des objectifs de croissance retenus dans le Document de Politique Economique du Sénégal (DPES) adopté sous Wade, de 3,9% en 2012, de 4,8% en 2013, et de 5% en 2013-2017 .
Le FMI a obtenu ces engagements du nouveau pouvoir, sans que les partenaires de la coalition gouvernementale ne soient sollicités pour avis, à plus forte raison les forces vives de la Nation, sans l’adhésion desquelles, pareil effort d’ajustement, en si court lapse de temps, est un défi incertain à relever.
Cette démarche du nouveau régime reproduit l’ « approche technocratique » du PS dans les négociations avec les Institutions de Bretton Woods, qui l’a fait perdre le pouvoir, et que le régime de Wade a reconduit, avec les conséquences politiques et sociales que l’on sait.
Le défaut de faire sanctionner, au préalable, tout programme avec les Institutions de Bretton Woods, par les forces politiques au pouvoir et par les organisations des travailleurs et des entrepreneurs nationaux, a été le tendon d’Achille de l’ « ajustement structurel » dans nos pays en développement. Ces institutions préfèrent avoir affaire à des « technocrates » qui ont plutôt des soucis de carrière à préserver auprès d’elles, que des préoccupations de prise en compte réel des contraintes politiques, sociales et culturelles que tout programme de changement rencontre.
Pour ces institutions, la concertation doit intervenir pour l’internationalisation des programmes qu’elles recommandent, et non, dans leur phase d’élaboration. C’est pour cela qu’elles parlent de la nécessité d’un « leadership fort » fort en mesure de faire accepter ces programmes.
C’est tout le contraire des démarches préconisées par les Assises nationales, qui recommandent des concertations préalables avant toute soumission de programmes ou de politiques au près des Institutions de Bretton Woods.
C’est cette rupture dans la démarche qui est attendue du nouveau régime pour pouvoir bénéficier d’une large adhésion des forces vives de la Nation.
Les Assises nationales ont opté pour des « leaders » qui se soucient de prendre en considération les contraintes politiques, sociales et culturelles dans l’élaboration des politiques et programmes qui conditionnent la vie et le devenir de ses populations, mêmes s’ils sont considérés, par les Institutions de Bretton Woods, comme des « leaderships mous », sinon « faibles » qui sont des facteurs bloquants dont il faut se débarrasser.
La DPG que le PM vient de présenter à la Nation, devait aller au-delà de ce diagnostic et de ces engagements, pour faire le point sur les six premiers mois de l’année 2012, qu’il partage à part égale avec le défunt régime, à savoir, le premier trimestre est passé sous Wade, et le deuxième sous le nouveau régime de Macky Sall.
II) Qu’elle est donc l’état réel de l’économie et des finances publiques au bout de ces six mois ?
Récemment, dans la Presse, les commentaires du rapport de l’ANSD sur le PIB au second trimestre de 2012, ont fait croire, à tords, aux Sénégalais, qu’avec un taux de de 3,1% par rapport au second semestre de 2011, le pays avait renoué avec la croissance. Alors qu’en fait, par rapport au premier trimestre de 2012, le taux de croissance est négatif, et porte sur -0,2% ! C’est donc un signe évident de décroissance entre les deux trimestres de l’année. Le premier trimestre de 2012 a connu un taux de croissance de 4% par rapport au premier trimestre de 2011.
En outre, sur les six premiers mois de l’année 2012, le taux de croissance du PIB est de 2,5%, alors qu’il était de 3,1 % à la même époque en 2011.
Incontestablement notre économie se porte moins bien qu’en 2011 à la même période.
Et cela se vérifie au plan de l’emploi dans le secteur moderne de l’Economie
En effet, avec un taux de croissance de 0,5% par rapport à juillet 2011, le secteur moderne a enregistré une perte de 0,3% d’emplois, malgré les performances du secteur tertiaire qui a augmenté son emploi de 1,6% dans la période. Cette situation est due aux contre - performances dans le secteur secondaire qui a enregistré 2% de perte d’emplois, du fait du sous- secteur industriel, qui en a perdu 3,5% ! Cette contre-performance du sous- secteur industriel est d’autant plus inquiétante, qu’il pèse lourdement dans l’indice de pondération de la main d’œuvre dans le secteur moderne.
En effet, dans cet indice de pondération, le secteur secondaire pèse 488,4 contre 511,6 pour le tertiaire. Mais dans ces 488,4 du secondaire, le sous-secteur industriel s’octroie 417,5 contre 70,9 dans le sous-secteur des BTP.
Donc, si l’emploi va mal dans le secteur industriel, cela se ressent fortement dans le secondaire, et partant dans le secteur moderne.
La croissance du sous-secteur industriel au Sénégal se fait donc au dépend de l’emploi. Il n’est pas, par conséquent, possible de maîtriser le problème de l’emploi, sans renverser cette tendance lourde de notre industrie, à détruire et à précariser l’emploi, pour accroitre la valeur ajoutée de ce sous- secteur.
L’ajustement du secteur industriel par la réduction des effectifs et la précarisation de l’emploi, qui est au cœur de la crise du système capitaliste mondial à l’époque de sa financiarisation, revêt chez nous un aspect particulier. Ce ne sont pas ici les impacts négatifs de la spéculation financière sur la productivité du secteur industriel qui sont à l’oeuvre, mais ce sont les impacts des coûts de facteurs techniques et la fiscalité sur les salaires qui interviennent.
En effet, les prélèvements exorbitants sur les produits pétroliers impactent négativement les coûts des facteurs techniques de production et de transport qui rentrent dans la compétitivité d’un produit, tandis que la fiscalité sur les salaires augmente le coût de la main d’œuvre supporté par l’employeur qui l’inclut sur le coût du produit.
Tant que l’industrie locale était super protégée par de fortes barrières tarifaires et de situations de rente, les surcoûts des facteurs techniques de production et de la main d’œuvre étaient acceptables pour le patronat industriel, puisque, faute de concurrence, c’est le consommateur final qui paye.
Mais, dans le cadre des « ajustements structurels » et de la libéralisation, le patronat du secteur industriel, avec l’appui des Institutions de Bretton Woods sous forme de conditionnalités, a choisi la variable, coût du travail, comme moyen d’ajustement, et non la suppression des surcoûts sur les facteurs techniques de production, encore moins, celle de la fiscalité sur les salaires qui augmente indument le coût du travail, et réduit artificiellement sa productivité.
En effet, la productivité du travail est calculée à travers le rapport entre le produit du travail et le coût de la main d’œuvre. Dans tous les pays développés et émergents, le coût de la main d’œuvre est constitué par le salaire et les charges sociales. Il y a même des pays émergents où il n’y a pas de charges sociales du fait de l’absence d’une tradition de luttes syndicales.
Au Sénégal, en plus des salaires et des charges sociales obtenues de haute lutte par les syndicats, l’Etat y a ajouté une taxe sur chaque emploi créé dans le secteur moderne, dénommé « Contribution Forfaitaire à la Charge de l’Employeur » (CFCE).
De sorte que la productivité du travail est artificiellement réduite chez nous, comparativement aux pays émergents de référence du « Doing business » de la Banque mondiale, pour avoir ajouté la CFCE au dénominateur pour la calculer.
La Banque mondiale et le FMI le savent, mais préfèrent fermer les yeux pour pouvoir continuer à indexer la « faiblesse de la productivité du travail » au Sénégal, comme fondement à leurs recommandations de réduction du coût du travail par plus de précarité et de flexibilité.
C’est cette option qui fonde le développement de notre sous-secteur industriel, sur la destruction et la précarisation du travail.
Le PM aurait dû informer les Sénégalais de cet état réel de notre Economie, et ses conséquences sur l’emploi, tout en annonçant de larges concertations pour sortir de cette tendance lourde de décélération du taux de croissance, et d’aggravation de perte d’emplois dans le sous-secteur industriel.
Pour ce qui est des Finances publiques, les sept premiers mois de 2012 ont enregistré une aggravation du déficit budgétaire par rapport à la même période en 2011. Le déficit budgétaire est passé de 100,2 milliards en juillet 2011 à 156,9 milliards en juillet 2012 !
Et cela, malgré les efforts fournis dans la réduction du train de vie de l’Etat dans le courant du deuxième trimestre de 2012, avec la limitation du nombre de ministres à 25, et la rationalisation des Services et Administrations de l’Etat. Ces efforts peuvent être mesurés à travers la masse salariale, dont le taux sur les recettes fiscales est passé de 35,2% au premier trimestre 2012, à 33,3% au second trimestre.
Cependant, même à ce niveau, l’on est encore loin de l’objectif retenu, avec le FMI, de 32,8% de taux de masse salariale en Décembre 2012.
Une réduction encore plus importante du train de vie de l’Etat et du taux de la masse salariale constitue donc des défis que le PM aurait dû faire connaître aux Sénégalais, tout en annonçant de larges concertations avec les acteurs économiques et sociaux concernés, pour trouver les consensus nécessaires à cet effet d’ici Décembre 2012.
Toute la problématique est donc de savoir actuellement, dans quelle mesure la Loi des Finances Rectificatives que le Gouvernement va déposer à l’Assemblée nationale prend- elle suffisamment en compte cet état réel de notre Economie, de l’Emploi et des Finances publiques, pour y apporter des solutions idoines d’ici Décembre 2012.
Il est vrai que les questions électorales et le problème de la suppression du SENAT ont pris trop de temps à notre coalition, mais cela devrait changer avec les dernières mesures prises par le Chef de l’Etat, notamment en informant de sa volonté de créer une Commission chargée, « à partir des Assises nationales » de « proposer les réformes institutionnelles à entreprendre par le régime », en nommant à sa tête le Président des Assises nationales.
Les Assises nationales ont déjà un projet de Constitution qui devrait rendre la tâche de la Commission moins exigeante en ressources humaines de la part de notre coalition.
Il est donc possible de libérer les énergies pour prendre à bras le corps les défis que nous pose, dans le court terme, l’état réel de notre Economie, de l’Emploi, et des Finances publiques.
Tout le débat, savamment entretenu, sur la « trahison des Conclusions des Assises nationales » est donc maintenant révolu, et devrait céder la place à plus de sérénité et à plus d’engagement autour du nouveau régime pour assurer les ruptures attendues par les populations.
II) Conclusion
Le PM a soutenu que dans le court terme, il faille « réduire le train de vie de l’Etat, rationnaliser la carte diplomatique, et les Dépenses dans les secteurs de l’Education, de la Santé et de l’Agriculture », et rationnaliser les subventions destinées à l’électricité tout en épargnant les couches vulnérables.
La direction des « ajustements » est donc indiquée, faisons donc en sorte qu’ils ne sacrifient ni la croissance, ni l’emploi, ni l’Education, la Santé et l’Agriculture, comme cela fut le cas avec les « ajustements des années 90 », qui n’ont pas permis une croissance forte, mais ont aggravé le chômage, la précarisation du travail, la pauvreté et la Dépendance de notre Etat.
Pour cela, il ne faut pas perdre de vue, que les politiques d’ajustement actuellement en vigueur, en Europe comme chez nous, visent comme cible, les couches moyennes, pour leur supporter l’essentiel des coûts de résolution des déficits budgétaires géants, et des lourds endettements de nos Etats.
Après avoir fait basculer les couches vulnérables dans la pauvreté durant les « politiques d’ajustement des années 90 », ce sont, aujourd’hui, les couches moyennes qui sont vouées à la paupérisation. C’est ce qui explique que les institutions de Bretton Woods tiennent, aujourd’hui, un discours « pro-pauvre », contre un discours « anti –couche moyenne », qu’elles présentent, à tords, comme des privilégiés, au dépend des pauvres, dans le seul souci d’alléger au maximum le poids que les « riches » devraient supporter dans les solutions de la crise de la dette et des déficits publics.
Au Sénégal, tomber dans ce jeu reviendrait à jeter une bonne partie des couches moyennes dans la pauvreté, en élargissant ainsi ce fléau dans notre société.
Le nouveau régime, en traquant les biens mal acquis, en baissant la fiscalité sur les salaires, et en portant l’impôt sur les Société(IS) de 25% à 30%, va dans le sens de protéger les couches moyennes tout en faisant payer les « riches ». Mais, cela devrait être conforté par une réforme du système de rémunération des Agents de l’Etat, pour y enlever les distorsions criardes que Wade y a introduites en octroyant des salaires et autres avantages exorbitants à une catégorie restreinte de personnels de l’Etat, sans commune mesure avec mesure avec leur « utilité marginale », en faisant d’eux des privilégiés. Cependant, les contraintes que les Accords avec le FMI font peser sur l’Etat, pour réduire la dette de moitié d’ici trois ans risquent, si l’on ne se mobilise pas autour du nouveau régime, d’inverser cette tendance positive qui est née des premières mesures du gouvernement.
Fait à Dakar le 17 Sept 2012
Ibrahima Sène / BBY